Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
driots d' Homme
driots d' Homme
Publicité
Archives
9 décembre 2006

L'évolution de la liberté religieuse en tant que droit de l'homme universel

Dans les années qui suivirent la Deuxième Guerre mondiale en particulier, la notion de liberté religieuse se trouva progressivement assimilée à un droit de l'homme à caractère international que tous les ةtats du monde étaient tenus de protéger. Dans l'article ci-après, M. Derek Davis, directeur des études sur les rapports entre l'ةglise et l'ةtat à l'université texane de Baylor et une autorité sur la question de la religion en tant que liberté fondamentale, discute les quatre piliers de la liberté religieuse dans le monde et il suggère des moyens de systématiser l'application des obligations relevant des traités internationaux.

Le XXe siècle fut témoin de progrès sans précédent dans la voie du rattachement de la liberté religieuse à un droit de l'homme reconnu à l'échelon international. Chicago accueillit le Parlement mondial des religions en 1893, à l'occasion de l'Exposition universelle. Evénement aujourd'hui tombé aux oubliettes, mais dont l'importance pour la liberté religieuse ne s'est jamais démentie. Le principe selon lequel aucun groupe religieux ne devait être poussé, sous l'effet de pressions, à sacrifier ses convictions profondes constituait l'un des fondements du Parlement. En 1944, le Conseil fédéral américain des églises créa une commission ayant pour tâche d'étudier les bases d'une paix juste et durable. Celle-ci formula « six piliers de la paix », lesquels regroupaient aussi bien des mesures tactiques, telles la « réforme des traités mondiaux » et « la surveillance des établissements militaires », que des principes généraux, dont « l'autonomie des peuples sujets » et « le droit des individus, où qu'ils soient, à la liberté religieuse et intellectuelle ». Un autre groupe américain, la Commission des églises chargée des affaires internationales (CCIA), contribua à promouvoir l'inclusion de la liberté religieuse dans la déclaration universelle des droits de l'homme, adoptée par l'Organisation des Nations unies en 1948.

Outre ce document, trois autres textes internationaux d'une importance fondamentale furent élaborés au XXe siècle à l'appui des principes de la liberté religieuse, à savoir : le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966) ; la Déclaration de l'ONU sur l'élimination de toutes les formes d'intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction (1981) ; et le document de clôture de la réunion de Vienne (1989). Chacun de ces documents contribue au rayonnement de la liberté religieuse, dans la mesure où tous mettent en relief des droits dont l'importance justifie le caractère universel. Je me propose d'en décrire les grandes lignes ci-après.

Les quatre piliers de la liberté religieuse dans le monde

Des quatre grands documents internationaux qui ont universalisé le principe de la liberté religieuse au XXe siècle, la Déclaration universelle des droits de l'homme, adoptée par l'Organisation des Nations unies en 1948, est de loin le plus important. Ce document historique reconnaît plusieurs droits fondamentaux en matière de religion. L'article 18 en contient l'essence :

Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites.

La Déclaration des droits de l'homme plaide résolument en faveur du droit à la différence en matière de religion. Elle revendique le principe politique selon lequel une fonction essentielle de l'ةtat consiste à protéger les choix dans ce domaine, et non à imposer la conformité. C'est au prix de guerres de religion et d'actes de persécution ayant sévi pendant des siècles, voire des millénaires, que la majorité des ةtats-nations arrivèrent à cette conclusion, mais celle-ci reflète un principe aujourd'hui communément accepté, en particulier dans l'Occident. Le principe moderne de la liberté religieuse, qui veut que les gouvernements se déclarent neutres en matière de religion, laissant à chaque individu le loisir d'adopter les croyances de son choix sans crainte de représailles et dans le respect de sa dignité d'homme, s'inscrit dans le prolongement du siècle des Lumières. Son caractère universel lui a été conféré par la déclaration de 1948, sans aucun doute l'étape la plus marquante de l'évolution de la liberté religieuse dans le monde.

Cette Déclaration évoque un « idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations ». Rédigée dans le sillon des horreurs innommables de la Deuxième Guerre mondiale, elle sert d'étalon à l'aune duquel les peuples du monde entier peuvent apprendre à vivre dans la paix et la coopération. Si le présent millénaire connaît une plus grande mesure de paix que le précédent, qui sait si les historiens de demain ne verront pas dans l'année 1948 l'aube d'une nouvelle ère de paix, un peu comme nous voyons dans l'année 313 (date de la promulgation de l'édit de Milan par Constantin) la première étape de l'union de l'ةglise et de l'ةtat, ou dans celle de 1517 (affichage des 95 thèses de Martin Luther), le point de départ de la Réforme. On ne peut en aucune façon exagérer l'importance de la Déclaration universelle des droits de l'homme.

Si cette déclaration impose une obligation morale à tous les pays signataires, les documents qui lui sont postérieurs allèrent encore plus loin : ils assortirent le respect de ses principes généraux d'une obligation juridique. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966), ratifié à ce jour par 144 pays, interdit la discrimination religieuse « sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation », comme le précise l'article 2 (1). L'article 18 garantit les mêmes droits que ceux qui sont contenus dans l'article 18 de la Déclaration universelle et il en rajoute un, celui qu'ont les parents de faire assurer l'éducation religieuse de leurs enfants. L'article 20 interdit tout appel à la haine religieuse, tandis que l'article 27 stipule que les personnes appartenant à des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques « ne peuvent être privées du droit d'avoir leur propre vie culturelle ». En outre, le Pacte de 1966 donne une définition assez large de la religion puisqu'elle recouvre les religions tant théistes que non théistes ainsi que les confessions rares ou pratiquement inconnues.

Adoptée en 1981, la déclaration de l'ONU sur l'élimination de toutes les formes d'intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction constitue un autre document-clé pour la protection des droits religieux. Les articles 1 et 6 énumèrent une liste détaillée de droits relatifs à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Citons notamment la liberté (1) de pratiquer un culte et de tenir des réunions se rapportant à une religion ou à une conviction et d'établir et d'entretenir des lieux à ces fins ; (2) de fonder et d'entretenir des institutions charitables ou humanitaires appropriées ; (3) de confectionner, d'acquérir et d'utiliser, en quantité adéquate, les objets et le matériel requis par les rites ou les usages d'une religion ou d'une conviction ; (4) d'écrire, d'imprimer et de diffuser des publications sur ces sujets ; (5) d'enseigner une religion ou une conviction dans les lieux convenant à cette fin ; (6) de solliciter et de recevoir des contributions volontaires, financières et autres, de particuliers et d'institutions ; (7) d'observer les jours de repos et de célébrer les fêtes et cérémonies conformément aux préceptes de sa religion ou de sa conviction ; et (8) d'établir et de maintenir des communications avec des individus et des communautés en matière de religion ou de conviction aux niveaux national et international.

Enfin, le Document de clôture de la réunion de Vienne contient des dispositions similaires à celles des textes adoptés en 1948, en 1966 et en 1981, car il plaide, lui aussi, pour le respect mutuel en matière de religion. Les ةtats qui y sont parties s'engagent en particulier à assurer « l'exercice intégral et effectif de la liberté de pensée, de conscience, de religion ou de conviction ».

En réalité, ces documents internationaux n'ont force obligatoire que pour les ةtats qui prennent les dispositions voulues afin de leur conférer un caractère juridique. En d'autres termes, leur application n'est pas automatique. Pour autant, si les mesures de protection de la liberté religieuse contenues dans les documents internationaux n'ont pas force de loi, elles parviennent à influencer la législation des droits de l'homme dans les pays participants et elles occupent une place fondamentale dans les efforts visant à faire naître un nouvel ordre mondial, dont on peut espérer qu'il sera plus pacifique.

Malheureusement, dans le monde d'aujourd'hui, la religion reste un brandon de discorde et les principes fondamentaux de la liberté religieuse sont bafoués plus souvent qu'ils ne sont respectés. Comment faut-il donc s'y prendre pour en promouvoir le rayonnement ?

Faire des obligations internationales une réalité

La persécution religieuse demeure un grave problème dans le monde entier, en dépit des mesures notables qui ont été prises par la communauté mondiale, en particulier depuis la Deuxième Guerre mondiale, pour le combattre. S'il était besoin, ce seul fait nous rappelle à quel point il est malaisé de traduire des documents - déclarations, conventions et autres - dans la réalité. Les experts ont cerné au moins quatre domaines dans lesquels l'adoption de stratégies institutionnelles de grande envergure pourrait contribuer à faire de la liberté religieuse non seulement un idéal mondial, mais aussi une réalité mondiale.

L'application des traités. Les ةtats doivent prendre au sérieux les dispositions des traités internationaux relatifs aux droits de l'homme et les intégrer à leur système juridique. Dire que la liberté religieuse dans le monde coulerait de source si tous les pays honoraient les conventions et autres documents adoptés en ce sens depuis la Deuxième Guerre mondiale semble relever de la tautologie. Mais la question ne se pose pas, car trop de gouvernements se complaisent dans les idéaux auxquels ils se sont ralliés et s'abstiennent de prendre les dispositions, juridiques et autres, qui pourraient transformer ceux-ci en réalité.

Les textes législatifs. Les gouvernements du monde entier gagneraient à promulguer des lois constructives de nature à enrayer la persécution religieuse. En 1998, le Congrès des ةtats-Unis a adopté une loi sur la liberté religieuse dans le monde. Ce texte oblige le département d'ةtat à préparer un rapport annuel dans lequel il doit passer en revue les infractions à la liberté religieuse dans chaque pays. ہ cet égard, le département d'ةtat tient compte des suggestions d'une commission américaine idoine, laquelle se compose de neuf membres. Suivant la teneur du rapport annuel, le président des ةtats-Unis peut appliquer toute une gamme de pénalités et de sanctions aux pays contrevenants. La loi de 1998 fait sourciller à l'étranger, mais le fait est qu'elle a favorisé la cause de la liberté religieuse dans le monde. Loin de viser à imposer « le modèle américain » aux autres pays, elle s'inspire d'un principe universellement accepté - celui de la dignité inviolable de tous les êtres humains et des droits universels qui en découlent.

L'éducation. Il convient de redoubler d'efforts pour sensibiliser les populations du monde entier au problème de la persécution religieuse, encore prévalente à un degré effarant dans trop d'endroits. Ainsi faudrait-il consacrer davantage de conférences et de symposiums à ce thème et soutenir plus énergiquement (en paroles et en argent) les organisations non gouvernementales axées sur les droits de l'homme, tels Human Rights Watch, Christian Solidarity International et l'International Religious Liberty Association, qui surveillent la situation des droits de l'homme à travers le monde en vue de porter les infractions commises à l'attention des gouvernements et des groupes intéressés.

La séparation de l'ةglise et de l'ةtat. Il importe de multiplier les interventions visant à amener toutes les institutions politiques, religieuses et sociales à se rallier plus résolument à la prise de position moderne selon laquelle l'intérêt primordial d'une société politique consiste à encourager la paix, la justice, la liberté et l'égalité, et non pas à promouvoir la religion. C'est là l'essence même de la séparation de l'ةglise et de l'ةtat. Là où le bât risque de blesser, c'est que la religion a de tout temps formé la trame de l'existence dans chacune de ses dimensions, au niveau politique y compris. Comme le nota l'éminent « quaker » William Penn en 1692, « le gouvernement semble faire partie de la religion elle-même, chose sacrée dans son institution et sa finalité ». Or William Penn n'allait pas tarder à se faire l'apôtre de la séparation de l'ةglise et de l'ةtat : il finit par être convaincu que la religion relevait d'une préoccupation fondamentalement personnelle et individuelle, le rôle du gouvernement devant être de protéger l'ensemble des doctrines religieuses plutôt que d'en promouvoir une en particulier. Depuis l'époque de William Penn, les ةtats-nations ont commencé à se ranger les uns après les autres à ce point de vue, lequel a d'ailleurs été repris dans les documents relatifs aux droits de l'homme qui ont été adoptés au XXe siècle.

Répétons-le : il s'agit là d'un principe qui mérite d'être enseigné dans les établissements d'enseignement par le biais de programmes scolaires axés sur l'étude des rapports entre l'ةglise et l'ةtat dans le monde moderne.

En dernière analyse, il nous incombe, en tant que membres de la communauté mondiale, de faire de la liberté religieuse une réalité pour tous : nous le devons à nous-mêmes et à nos enfants. Au seuil du XXIe siècle, il n'est pas de tâche plus importante.

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité